Sortir Bordeaux Gironde : Un mot sur ce changement de programmation ?
Nadia Fabrizio (Martha sur scène)
: Question budget, c'est devenu trop compliqué : La Cerisaie, c'est un projet énorme avec pas moins de 13 acteurs au total... on a essayé de grappiller, sur le décor notamment, mais finalement contraints à cette décision, terriblement douloureuse, d'autant plus qu'on travaille dessus depuis cet été et qu'on était tous ravis de jouer Lubat. Un crève-coeur murement réfléchi.

Sortir : Et donc Virginia Woolf...
N. Fabrizio
: Ça fait longtemps que Dominique (Pitoiset) cherche du côté des grands auteurs nord-américains, assez acerbes sur les comportements humains et sociétaux : ce qui l'intéresse, c'est cette critique de la société. Il y a aussi ce côté cru et direct d'Albee (l'auteur)... et puis une petite distribution, avec quatre acteurs, pour autant de beaux rôles, dans le fond assez maléfiques.

Sortir : L'histoire ?
N. Fabrizio
: Georges et Martha rentrent de chez beau-papa, directeur de l'université où ils travaillent. Arrivés à la maison, Georges découvre que Martha a invité un jeune couple de collègues, Nick et Honey, à finir la soirée avec eux : la pièce raconte cette fin de soirée qui va donner lieu à une confrontation entre les deux couples, Georges et Nick notamment, sur fond d'amour et de mensonges.

Sortir : Pourquoi cet affrontement ?
N. Fabrizio
: Nick est un jeune biologiste prêt à tout pour assouvir ses ambitions, y compris un bon mariage (...) En face de lui, Georges, un historien que sa femme rêverait en responsable de département ou en directeur d'université, mais pas intéressé par ça... d'où en 20 ans une dégradation du couple cristallisée par Martha, qui le met violemment et constamment à l'épreuve. Mais finalement, on se rend compte que ces deux-là s'aiment énormément, là où l'autre couple, parfait en surface, se révèle totalement vide. Des sentiments qui transparaissent au cœur d'un échafaudage d'histoires, un jeu de miroir où on a du mal à distinguer le vrai du faux.

Sortir : Ça semble assez tendu...
N. Fabrizio
: En fait, en terme de scénographie, on a un ring assez froid dans lequel les personnages ne cessent de s'affronter frontalement : on s'envoie de jolies monstruosités à la figure... pour ne rien arranger, ils arrivent tous déjà éméchés et ne font que boire tout au long de la pièce : Honey n'arrête d'ailleurs pas de vomir. L'alcool joue un rôle de révélateur pour ces deux couples, déshinibés dans le sens lucides.

Sortir : Et le travail avec Dominique Pitoiset (son compagnon à la ville) ?
N. Fabrizio
: Un peu curieux car j'ai l'habitude qu'il me dirige, mais agréable de partager le plateau avec lui : c'est un regard différent. Sinon, le quatuor s'entend bien, avec deux jeunes comédiens issus du Jeune Théâtre National : c'est important dans une pièce comportant de nombreux échanges, où l'apprentissage des textes doit se faire ensemble et non seul dans son coin. Dans mon rôle de Martha, par exemple, comme elle hurle tout le temps, j'essaie de me concentrer sur ses moments de fragilité où elles montrent ses failles, ses faiblesses. Avec au cœur, les comportements ou comment on ment aux autres et à soi-même.