Sortir : Comment vous est venue cette idée pour le film ?
Gilles Marchand :
C’est toujours très délicat de raconter comment les idées viennent, c’est un truc mystérieux à l’intérieur du crâne. Mais je crois que tout s'est déclenché lorsque j’ai vu un jeune homme jouer avec un jeu en démonstration dans un centre commercial. Il était extrêmement concentré malgré l’agitation autour de lui, comme s’il se projetait dans son avatar... Et là, je me suis dit que ce serait intéressant de faire un film dans lequel le personnage mènerait sa vie parallèlement à ses péripéties virtuelles.

 

Sortir : Portiez-vous tous les deux un intérêt particulier aux jeux en réseau auparavant ?
Louise Bourgoin :
Oui, je m’y étais intéressée avant de connaître Gilles. Je m’étais créée un avatar sur Second Life et j’étais assez fascinée par le fait que l’on puisse jouer avec des gens du monde entier. Je trouve que c’est incroyable d’étudier le choix des avatars... et la vie que les gens mènent dans ces jeux ! J’ai l’impression que c’est une sorte de défouloir, des hommes peuvent se faire passer pour des femmes et inversement par exemple !

Gilles Marchand : J’avais en effet déjà une curiosité pour ce monde-là. Je suis passionné par le Japon, qui est un pays riche en la matière. Et puis les avatars me fascinent. Je trouve rigolo d’en créer un qui ne nous ressemble pas... Mais c’est peut être mon côté metteur en scène ça ! C’est comme pour mes films, j’ai plaisir à "jouer" avec des comédiens, qui pour le coup n’ont aucun point commun physique avec moi, hein Louise (rires) ?!

Sortir : Réel et virtuel sont mêlés de manière très naturelle dans le film...
Gilles Marchand :
En fait, mon film a une dimension presque casse-gueule avec la mise en images de ces deux mondes foncièrement différents. Mon but, c’était que les plans réel/virtuel s’entrechoquent tout en maintenant une continuité. Vous savez, on vit dans un monde où il y a plusieurs niveaux de réalité et de virtualité. Par exemple, quand vous vous promenez dans la rue avec un casque sur les oreilles, la réalité est faussée.

Louise Bourgoin : J’étais très curieuse de voir comment il allait mêler réel et virtuel justement. Et je trouve qu’il a réussi à filmer de manière très cinématographique le monde virtuel, ce qui donne une valeur ajoutée au film. Je suis très fière d’avoir participé à ce projet tout à fait novateur, qui en plus m’a permis de jouer un personnage étonnant... Je suis quasi-muette dans le film. Et d’ailleurs, dans ce contexte là, le metteur en scène témoigne d’autant d’émotions dans ses plans que le comédien dans son jeu.

Sortir : Ce film, c’est presque une étude sociologique sur les jeux...
Gilles Marchand :
Mon but n’était pas de faire un portrait sociologique d’une époque ou d’un phénomène, je voulais donner une part importante au fictionnel. Après, pour parler large, on peut dire que le film dépeint les problèmes qui peuvent être liés aux réseaux sociaux. Ici, le personnage principal croit qu’il peut vivre sa relation virtuelle parallèlement à son histoire d’amour... reste à savoir si ce genre de chose est possible.

Louise Bourgoin : Ce que je peux vous dire c’est que ce film fait réfléchir. Ici Gaspard ( le personnage principal) délaisse sa vie réelle alors qu’il a tout pour être heureux... À croire que le bonheur est ennuyeux. Ce que je trouve fabuleux, c’est que Gilles n’ait pas eu peur de traiter du sentiment amoureux.

Sortir : Et votre rencontre, une évidence ?
Gilles Marchand :
J’ai rencontré quelques actrices avant Louise, elles étaient pas mal, mais il manquait toujours quelque chose. Quand Louise est arrivée, je ne la connaissais pas en tant que comédienne, La fille de Monaco, son premier film, était à peine au mixage à ce moment-là. Donc je ne savais pas trop à quoi m’attendre.... et quand les essais ont commencé, j’ai été véritablement surpris. Elle sait passer d’une émotion à une autre très naturellement, avec elle, notre curiosité est sans cesse renouvelée !

Louise Bourgoin : En lisant le scénario, j’avais déjà imaginé pleins de choses ! Du coup, pour correspondre au personnage, je m’étais fait un tatouage gothique en bas du dos au pochoir. C’était une sorte d’appel : "c’est moi il faut que tu prennes !" J’avais même mis une perruque noire et cerclé mes yeux de noir pour mieux toucher du doigt la mélancolie. Et en fait, dans le film, Gilles a voulu que je sois d’un blond presque pas naturel... Et finalement ça colle davantage au personnage.