Sortir : Les invités de mon père, c’est donc parti d’une histoire vraie…
Anne Le Ny
 : Ça ne concernait pas ma famille directement, mais l’histoire m’a marquée, même si elle est différente du scénario puisqu’il s’agissait d’une femme qui profitait de l’argent d’un proche de ma famille, mais qui elle, avait ses papiers... C’est fou ce que les gens peuvent faire comme choses terribles et très bien vivre après ! Ici, c’est l’histoire d’une famille dont les liens sont bouleversés, et puis il y a la le mariage blanc, la question de la dénonciation, dans une famille engagée plutôt à gauche.

Fabrice Luchini : Moi, ce qui m’épate, c’est qu’on s’intéresse à des gens finalement très banals et on en arrive à la question clef : "qu’est ce que t’aurais fait à leur place ?" Je crois qu’on s’est tous poséS la question ! La phrase qui m’a plu dans le scénario, c’est celle de la Moldave sans-papiers : "chuis très content’ pour ma p’tite fille, dans l’école y a pas de noirs ni d’arabes". Le sujet des clandestins est traité autrement. Ici, c’est pas une question d’argent, on parle de déshéritage, de valeurs familiales…

Sortir : Justement, c’est un peu le nœud de l’histoire, ces valeurs familiales.
Anne Le Ny :
Dans le film, c’est Karine (Valérie Benguigui), la femme d’Arnaud, qui incarne le mieux ces valeurs, d’ailleurs ce qu’elle va commettre est immonde... Cette Karine, c’est une Tatiana (la jeune Moldave) qui a réussi ! Moi, les valeurs familiales me font peur, d’autant plus qu’elles sont très présentes aujourd’hui dans la société…

Fabrice Luchini 
: Mais rêvez pas les filles, si vos mecs sont fidèles aujourd’hui, c’est parce que ce sont des feignasses…

Sortir : Hum… Par contre, celui qui brise les valeurs familiales, c’est Arnaud, le fils "indigne", l’avocat "nouveau riche" en contradiction avec l’engagement humaniste de son père…
Fabrice Luchini :
Oui mais là où ça devient intéressant, c’est quand Arnaud se réjouit de voir tomber son père de son piédestal car il peut enfin s’autoriser à l’aimer.

Sortir : Il paraît que ce n’est pas vous qui deviez interpréter le rôle…
Fabrice Luchini :
En fait, j’ai remplacé, j’ai fait Darty…

Anne Le Ny (embarrassée) : Le rôle était pour Vincent Lindon, il a refusé. Du coup, j’ai dû réécrire ses dialogues…

Fabrice Luchini : Par exemple, j’ai adoré la réplique"Moi je suis pas un bourgeois, je suis un nouveau riche ! " Lindon l’a détestée. Mais bon, lui, c’est un bourgeois, moi je suis un fils d’immigrés… Pour le rôle, je me suis nourrit de mon animosité envers les politiques de gauche ! J’ai rien à voir avec Arnaud, qui, en gros, vote Strauss-Kahn ! Pour moi, quand on est de gauche, on doit être mieux que les autres. Alors qu’en fait, sur les bases, qui n’est pas de gauche ? Moi, j’en ai rien à foutre de Sarko, je dîne à gauche, à droite, chez Robert Hue ou Vincent Peillon.

Sortir Bordeaux Gironde : Il s’agit donc d’un rôle de composition ?
Fabrice Luchini :
Mais y a pas de composition ! Quand t’es acteur, tu joues pas, tu te concentres pas, c’est un naturel qui doit être chopé. Il faut pas qu’on ressente que l’acteur joue, faut arriver neuf. Le p’tit du Prophète par exemple, il a une grâce ! Et y a pas de morale dans le cinéma. Bardot est géniale et mieux qu’une actrice moche de la comédie française ! Mais pourquoi je vous dis tout ça ?