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cinéma

Nocturama

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Projet au long-cours de Bertrand Bonello (imaginé à l'époque de l'Apollonide en 2010), Nocturama arrive enfin en salles après avoir été tenu à distance du dernier Festival de Cannes. En cause, le sujet de la dernière œuvre du réalisateur de Saint-Laurent, soit l'itinéraire d'un groupe de jeunes qui préparent une série d'attentats à Paris contre des symboles de la République. Bonello se défend d'avoir façonné un film provocateur et l'argument se vérifie assez vite à l'écran, où le fond du sujet est très différent de ce qu'il pourrait laisser penser.

 

Précédemment titré Paris est une fête, du nom du récit autobiographique d'Hemingway, devenu livre-symbole de l'après attentats du 13 novembre, Nocturama a été tourné à l'été 2015. Et il est bien ancré dans une réalité, celle du quinquennat Hollande (les références y sont nombreuses, les correspondances forcément troublantes). Mais il met surtout en scène des jeunes désœuvrés, de toutes origines sociales et aux trains de vie bien différents, qui n'ont trouvé que la violence pour exprimer leur ras-le-bol d'une société qui les oppresse. « Tu crois qu'on a tué beaucoup de gens ? » demande une jeune fille du groupe à son complice. « On a fait en sorte que non » s'entend-elle répondre. Construit en deux actes, le film, sommet d’esthétisme vertigineux, s'ouvre sur le ballet urbain des instigateurs qui se croisent de rame en rame de métro, pour repérer les lieux de leurs coups. Les paroles sont rares, les silences éloquents. Une première partie saisissante, malencontreusement encombrée par une séquence en flashback inutile qui parasite la portée du premier acte, pertinent dans ses non-dits et ses hors-champs. Une fois l'opération terminée, c'est un autre film qui démarre. Les membres du groupe, retranchés dans un grand magasin (Carpenter ou Romero ne sont pas loin), comme coupés du monde extérieur, s'y révèlent, empêtrés dans leurs contradictions. Un point de vue passionnant, d'autant que Bonello pousse davantage le spectateur à se questionner qu'à frontalement apporter des réponses ou justifications, ni prendre parti pour ses personnages... jusqu'à un final plus contestable qui ne ternit pas l'audace et la puissance filmique de l’œuvre.

Publié le 30/08/2016 Auteur : J. Blanchet

Nocturama mérite d'être vu comme une œuvre à part entière détachée de tout embryon de polémique. Bonello y filme une jeunesse qui se cherche, instantané du mal-être d'une génération avec une détermination et une grâce sans pareil. Un film important.

 


Mots clés : drame